Salon du Bourget 2013

Mon avis sur la visite de ce salon en 2013 (pas de faute de frappe, je republie ce retour d’expérience 10 ans plus tard!)

Ce week-end nous allons au Bourget ! Au salon du Bourget ! A cette évocation personne n’est indifférent et parfois les réactions « non-verbales » semblent négatives voire stupéfaites. Dans notre entourage, personne ne nous a empêché d’y aller, et pourtant j’ai senti des frémissements d’incompréhension.

J’ai cherché, après coup, en revenant de notre week-end, à savoir pourquoi ?

Le Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace (SIAE) de Paris-Bourget serait t-il, de nos jours, politiquement incorrect ?

Sans doute le climat ambiant, sur fond de crise, y serait-il pour quelque chose. Le Bourget transpire une image de gros sous mais aussi de non-sens écologique, un contre-exemple du développement durable.

Après avoir visité ce salon avec ma famille pendant une journée, je confirme que ces images d’Épinal sont réelles. On lit dans les gros titres « 115 milliards d’euros d’affaires signées au salon »1. Sur place, dans les airs, c’est une chorégraphie de Mirages, Rafale, Airbus A350, A380 et au sol de nombreux modèles d’avions, véhicules militaires et même de fusées exposés : A300, Ariane 5, Boeing 747, Concorde, Eurofighter, drones… et dans un coin d’un hangar on trouve même de « vieux coucous » présentés par des… associations. Bref il y en a pour tous les goûts.

Je préviens tout de suite, moi et ma femme n’y connaissons rien de rien en aviation. Au départ, c’est pour notre fils de bientôt 6 ans que nous tenions à aller à ce salon. Même si bien sûr la curiosité nous donnait envie d’y aller. C’était aussi l’occasion de faire un séjour à Paris (nous sommes restés 3 jours au total).

Regrettons-nous ou culpabilisons-nous d’avoir visité ce salon ?

Pour ma part pas du tout. Est-ce que c’est en payant 13,50 euros l’entrée (par adulte) qu’on peut justifier l’existence d’un tel salon ? Pas du tout, même avec environ 315000 visiteurs « grand public »1. Ce sont donc bien les professionnels et eux seuls qui justifient l’ampleur des moyens déployés.

Première surprise pour nous en entrant dans le salon, le nombre de stands, et l’hyper-spécialisation dans ce secteur aéronautique très en pointe au niveau industriel. On trouve donc dans les différents stands des avions en pièces détachées ou plus justement des pièces détachées d’avion… c’est impressionnant. On trouve de tout, du plus petit automatisme jusqu’aux accessoires (gilets de protection, produits pour nettoyer les sièges, etc) proposés dans les stands. Les différents halls sont bien organisés et on peut grossièrement dire qu’il sont organisés des plus petites pièces jusqu’aux plus grosses, c’est-à-dire les avions en eux-mêmes présentés dans une longue « avenue » de parade, en passant par les fuselages ou nez d’avion.

Dans l’ « avenue », peuplée de nombreux visiteurs, on peut voir des avions survoler le ciel dans un espèce de show à la française, commenté en deux langues (français/anglais). Quand un Rafale fait des pirouettes et un raffut d’enfer, on se dit « cocorico ». Vive la France ! C’est l’avion dont nous sommes fiers, malgré ses difficultés à l’export.

La presse était très nombreuse le jour de notre visite, photographes, cameramen en pagaille dans les espaces dédiés. Le jour de notre venue le Président Hollande était même, paraît-il, dans les allées des stands. Nous avons aussi aperçu Serge Dassault (ou quelqu’un de sa famille), nous avons entendu le nom de « Dassault » en compagnie de la patrouille de France et une nuée de photographes et personnalités mondaines invitées.

Visiter un salon de cette importance, est-ce adhérer aux valeurs que dégage ce salon ? Assurément non et heureusement.

Nos élus, présents en nombre lors de ce salon, soutiennent l’industrie aéronautique. C’est donc un pan entier de notre économie qui est représenté pendant cette semaine de l’air.

A mes yeux ce salon représente tout le symbole de ce que je nomme l’ancienne économie. Économie de nos emplois d’aujourd’hui mais incompatible avec le développement durable de la planète. 115 milliards cette année et dans 2 ans lors du prochain salon combien faudra-t-il  de milliards pour estimer que ce salon est une réussite ?

Nous avons été très impressionnés par les stands des vendeurs de missiles et armes sophistiquées, on se serait vraiment cru dans un film, avec des « clients » de toutes les nationalités. Évidemment sur ces stands « armements » il fallait être invité ou montrer patte blanche. Ce qui est drôle c’est que sur certains stands on trouvait même des petites loges attenantes, peut-être y trouvait-on des informations « top-secrètes ». Je mets un peu d’ironie, car pour moi ce salon n’est que l’aboutissement de négociations effectuées bien en amont. Les chiffres tombent pendant la semaine du salon, mais à qui peut-on faire croire que dans le stress de la manifestation des rabais d’un ou deux milliards sont consentis lors des « journées salon ». Lorsqu’une compagnie aérienne achète 20 appareils on peut lire dans le presse2 que le prix d’achat réel est inférieur de quelques milliards sur le prix catalogue, en raison d’un achat groupé…

Le salon serait donc à mes yeux, pour les très grosses commandes, un bouquet final destiné à faire l’apologie du succès de ce salon. C’est donc un salon bien orchestré avec en point d’orgue un week-end grand public pour entendre et voir toutes ces « bonnes nouvelles » (que les ventes soient bonnes ou pas d’ailleurs) relatées dans la presse du monde entier.

Quoiqu’il en soit, quels que soient les préjugés que l’on peut avoir sur ce salon, je pense que vu l’enjeu il n’est pas inconséquent de se faire sa propre opinion. Les dérèglements de la planète, financiers, écologiques, se mesurent à l’ambiance de ce type de manifestation, dans une course au toujours plus.

Toutefois, la recherche dans l’aéronautique permet aussi des réutilisations dans d’autres domaines et notamment le domaine médical. Nous avons rencontré un fabricant de petits moteurs(3) pour des véhicules qui servent déjà à explorer la planète Mars. Ces recherches ont permis une autre utilisation dans la fabrication de moteurs microscopiques pour des usages médicaux. Ces travaux me font penser aux recherches militaires pendant la seconde guerre mondiale qui ont donné naissance aux premiers ordinateurs… Un mal pour un bien donc d’un certain côté. En architecture n’oublions pas également que Frank O. Gehry utilise un logiciel développé par Dassault Systèmes (Catia) pour concevoir ses bâtiments (Musée Guggenheim de Bilbao…). La balance gagnant-gagnant serait donc que le bien généré soit bien supérieur au mal produit.

Pour conclure, si on regarde ce salon de façon légère, comme dans un parc d’attraction, les enfants se plaisent à regarder, écouter et les adultes retournent volontiers en enfance. En tout cas notre fils est revenu avec des images plein la tête, et cette nuit, devinez de quoi il a rêvé : d’avions…

Fabien Romary, Strasbourg, le 27 juin 2013

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(1) Article La Tribune du 23/06/2013 http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/20130623trib000771787/un-bon-cru-pour-le-50eme-salon-du-bourget.html

(2) DNA du 18 juin 2013 http://www.dna.fr/actualite/2013/06/18/easyjet-va-commander-135-airbus-pour-12-milliards-de-dollars

(3) stand Maxon motor, Suisse http://www.maxonmotor.com/maxon/view/content/index

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